À 21 ans, Diane de Cosnac est atteinte d’un trouble du spectre autistique. Avec sa mère Marie-Germaine, elles ont écrit le livre « Regards croisés sur le combat qui nous unit » sur leur parcours difficile et courageux.
Par Antonin Counillon
Vocation Santé : Comment avez-vous eu l’idée d’écrire un livre ensemble sur votre histoire ?
Diane de Cosnac : J’ai découvert l’écriture pendant une période d’hospitalisation, cela me permettait de mieux exprimer ce que je ressentais et de communiquer avec les médecins, en particulier la psychologue. Le corps médical a été impressionné par mon écriture, ce qui m’a encouragé par la suite. J’ai ensuite eu l’idée d’écrire un livre pour partager mon histoire afin de sensibiliser sur mon trouble puis d’en parler à ma mère.
Marie-Germaine de Cosnac : Oui l’idée est venue d’elle, nous avons ensuite décidé d’écrire ce livre ensemble afin d’avoir plusieurs témoignages, celui d’un proche aidant et celui d’une patiente, ce qui était une approche originale par rapport à ce qui existait déjà. Tout le long du livre, nous parlons des mêmes événements, mais avec des points de vue complémentaires et des nuances différentes.
Quel a été votre parcours jusqu’au diagnostic médical ?
MGC : Nous nous sommes rendus compte que Diane avait certaines difficultés de sociabilisation à l’âge de 4 ans. Et puis, il y a eu différentes manifestations à la fois cliniques et psychologiques qui nous ont conduits à consulter différents spécialistes, comme des troubles dépressifs et de l’anxiété, des phobies sociales et alimentaires, et plus tard une anorexie forte. Cependant, nous avons été en errance médicale pendant de nombreuses années, car chaque aspect que nous voulions traiter n’était pas mis en lien avec les autres et il n’y avait pas d’approche globale.
Lorsque Diane a été hospitalisée pour son anorexie, elle était enfin dans un endroit où il y avait des médecins de différentes disciplines qui pouvaient plus facilement communiquer entre eux. Je suis arrivée à la clinique avec le dessin d’un soleil, où chaque rayon correspondait à une pathologie qu’elle avait eue depuis son enfance. En communiquant avec eux, il a été enfin possible de comprendre plus profondément ce qui se passait.
DC : Mon diagnostic d’un trouble du spectre autistique a été posé il y a 4 ans, quand j’avais 17 ans. D’identifier mon trouble m’a beaucoup aidée pour aller de mieux en mieux et j’ai pu être suivie avec une psychiatre spécialisée dans les troubles du spectre autistique.
Que faut-il savoir pour mieux gérer la situation ?
MGC : Il s’agit de comprendre plus précisément le fonctionnement, de communiquer avec empathie et de s’adapter. Par exemple, pour Diane, comme pour d’autres, les choses doivent être particulièrement bien organisées en amont et les imprévus ne peuvent pas être au rendez-vous.
Il est important d’identifier certains comportements comme des troubles obsessionnels compulsifs ou des choses particulièrement difficiles à supporter. Par exemple pour Diane : certaines textures ou couleurs d’aliments. Il peut aussi y avoir des troubles associés qu’il faut traiter, ma fille a un traitement antidépresseur et du méthylphénidate (Ritaline) pour des troubles attentionnels.
DC : Ce qui m’aide beaucoup aujourd’hui, c’est l’expression par l’écriture et le théâtre, j’ai aussi participé à un concours d’éloquence prestigieux. Il y a aussi des associations qui proposent des cours de relaxation ou d’habileté sociale, mais cela m’a moins convenue qu’à d’autres.
700 000 français environ sont atteints de troubles du spectre autistique.
Source : Inserm 2022
Avez-vous des messages particuliers à faire passer ?
MGC : L’autisme est encore très mal connu, en particulier chez les filles qui n’ont pas le même spectre de manifestations. Il est important d’en parler. L’autisme fait partie des handicaps invisibles, et en France nous sommes en retard sur la compréhension et la gestion des troubles neurodéveloppementaux. Le gouvernement et les institutions doivent en prendre conscience : il y a tout de même 12 millions de personnes en situation de handicap dans le pays. Elles doivent être généralement mieux reconnues, car il y a toujours l’impression qu’elles font partie des citoyens de seconde zone.
DC : L’aménagement et la transformation des environnements sont indispensables, dans beaucoup de milieux, le handicap est encore un sujet tabou. Mes années les plus difficiles étaient celles de 4e et de 3e où j’étais dans un collège dans lequel je n’étais pas du tout valorisée, au contraire : ils ont même refusé de mettre en place un aménagement pour le brevet. En revanche mon lycée était beaucoup plus adapté et j’ai eu plus de 19/20 de moyenne générale au baccalauréat.
Puis, dans le milieu professionnel, j’ai été victime de nombreuses discriminations à l’embauche et c’est chaque jour difficile d’être acceptée comme je suis. Il faut persévérer aussi pour que les secteurs se transforment et deviennent plus inclusifs. Le chemin peut être très long, mais il faut toujours garder espoir parce que même si le résultat prend du temps et que l’on veut parfois abandonner, il viendra un jour où ça ira mieux. •
« Le chemin peut être très long, mais il faut toujours garder espoir. »
Le livre co-écrit par Marie‑Germaine et Diane de Cosnac, paru en 2024 aux éditions Vérone, est une histoire touchante et inspirante sur leur chemin de vie parsemé d’obstacles à travers ce handicap invisible.





